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Intervention d’Alexandra Borchio Fontimp au Sénat sur le harcèlement scolaire : harceler tue !


Harceler tue !

Deux verbes côte à côte pour désigner ce phénomène dramatique qui traduit un mal français : un laxisme sans précédent face à un fléau de société qui tue.


Le harcèlement, mes chers collègues, touche en France, un million de jeunes chaque année, c’est-à-dire un jeune sur dix, qui sont autant de citoyens. Dès la socialisation naît le rejet.


Et c’est lorsque que l’enfant apprend à grandir, à l’école primaire, dans sa fragilité qu’il est davantage concerné ; à l’âge de ses premiers apprentissages.


Le harcèlement scolaire concerne également leurs familles, leurs proches, leur entourage.


Autrement dit, au sein de notre assemblée par exemple, ici et maintenant, des dizaines de nos enfants ou petits-enfants subissent ce qu’aucun enfant ne devrait subir. C’est la raison pour laquelle notre groupe politique Les Républicains a souhaité inscrire ce débat à l’ordre du jour.


Dès le plus jeune âge, un nombre de plus en plus conséquent de mineurs est amené à connaître de la cruauté humaine et à perdre foi en autrui, ce lien de confiance pourtant fondamental dans l’épanouissement d’un individu.


Une réalité qui dépasse souvent l’entendement. Une réalité trop régulièrement traitée comme un simple fait divers. Mais chaque prénom de victime, leur histoire, leur souffrance et leur douleur, nous ne pouvons les oublier.


Suicide ou homicide ? On ne sait jamais finalement vraiment comment qualifier l’acte d’un enfant qui se donne la mort car poussé à bout par leurs camarades, que ce soit dans le cadre éducatif ou par le biais des nouvelles technologies et des réseaux sociaux.

Pourtant le camarade, à l’origine, est un terme militaire qui renvoie au partage et à la fraternité. « Il n’est de camarades que s’ils unissent dans la même cordée » disait Saint-Exupéry.


L’École est ce lieu où la société a décidé de confier à des adultes la transmission de valeurs, de savoirs, de savoir-vivre et de savoir-faire à ses enfants. C’est là que la société dessine son avenir en formant les adultes de demain. Aller à l’école ne doit jamais devenir une contrainte émotionnelle, mortifère, qui ne laissera que des séquelles voire des stigmates chez ceux qui ont été victimes de harcèlement.


Ce débat est donc l’opportunité de poser des mots sur des incompréhensions que victimes, parents mais aussi une forte majorité de nos concitoyens ne peuvent plus supporter. Il est urgent de tout mettre en œuvre pour remédier à cela.


Comment ne pas être choqué lorsque l’on sait que l’enfant harcelé, et donc brisé dans sa construction identitaire, doit quitter son école tandis que celui qui a fait du mal, peut y rester impunément ?


C’est ce qui a conduit notre collègue Marie Mercier à déposer une proposition de loi visant à poser le principe d’une mesure d’éloignement du harceleur pour protéger la victime afin qu’elle ne subisse pas cette double peine. Une mesure de bon sens, Monsieur le Ministre, puisque vous l’avez retenue, si l’on en croit vos annonces dans la presse ce matin…


L’impunité dans laquelle vivent les auteurs des faits de harcèlement doit cesser ! Impunité qui les mène à reproduire leurs actes de victime en victime, à ne pas comprendre et mesurer l’impact et la gravité de leurs agissements. Il faut donc les prendre en charge de manière appropriée.


Et n’oublions pas les témoins qui peuvent être traumatisés par la violence qu’ils ont observée et peuvent développer un sentiment d’impuissance.


L'École a bien évidemment un rôle à jouer dans la lutte contre le harcèlement, mais c’est avant tout l’éducation que l’on donne à son enfant qui va déterminer la personne qu’il sera envers les autres.


Ne nions pas cet élément, sans qu’il ne soit toutefois fait de faux procès en accusation aux parents, afin que l’état des lieux dressé ne soit pas une équation dont il manquerait une inconnue. Les parents doivent également donc être impliqués dans la prévention, en étant sensibilisés et informés sur les différentes formes de harcèlement scolaire et en étant encouragés à dialoguer avec leurs enfants.


J’ai l’espoir que chacune des 17 prises de parole au sein de cet hémicycle aujourd’hui favorise le déclic afin que nous parvenions enfin à protéger nos enfants harcelés.


Au Sénat, la mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement estime qu’il est temps de détecter et traiter ce fléau, autour de ce qui doit constituer désormais une grande cause nationale. Et non pas seulement une journée nationale instaurée un jeudi de novembre, comme un rappel annuel, où chacun dénonce le harcèlement scolaire 24h durant, avec tout le pathos qu’on connait !


Faisons-le pour les parents de Lucas dans les Vosges ou encore pour les parents d’Ambre dans la Drome. Pas pour leurs propres enfants puisque c’est déjà trop tard. Ils ont préféré mettre fin à leur calvaire en se donnant la mort parce que notre pays n’a pas sur les écouter ni les protéger. Nous devons donc aller plus loin dans la prévention et la formation auprès des acteurs de l’Éducation nationale et des familles.


Malgré les avancées de la loi du 2 mars 2022 et du programme Phare, de tels drames en 2023 traduisent un terrible échec collectif, une injustice inacceptable. Les chiffres montrent que ces mesures sont insuffisantes et relancent les défaillances du système. L’autorité judiciaire doit faire de la lutte contre le harcèlement scolaire une priorité de sa politique pénale afin de se saisir de la nouvelle infraction définie.


Les signalements doivent être pris au sérieux. Le harcèlement scolaire ne doit plus être considéré comme une histoire entre gamins qui aide à grandir ou des jeux d’enfants sans importance. A Menton, dans mon département des Alpes-Maritimes, Ana, je cite, « n’en peut plus d’aller au collège chaque matin avec la boule à ventre ». Et ça fait 6 mois que ça dure !


Ce combat ne se mène pas seul. Il est temps que nous prenions tous ensemble des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre le harcèlement scolaire.


Mais il est primordial de lever le voile sur ce phénomène et d’oser en parler car on aura beau mettre en place tout un arsenal de mesures, si les gens ne veulent pas voir alors tout cela ne servira à rien. Aidons-les à détecter les victimes, les prendre en charge et gérer les harceleurs. L’école est aussi ce lieu privilégié d’observation, de repérage, d’évaluation des difficultés scolaires, personnelles, sociales, familiales et de santé des élèves.


Pour conclure, je veux saluer toutes les personnes qui s’engagent au quotidien dans la lutte contre ce fléau. Leur engagement est essentiel pour que nous puissions avancer ensemble dans la bonne direction avec comme seul et unique objectif l’intérêt de l’enfant.


Pour que l’école ne soit plus une zone de non droit.


Et que l’enfance ne rime plus jamais avec violence.


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