Mme Alexandra Borchio Fontimp interpelle de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le faible recours au dispositif de bracelet électronique anti-rapprochement.
Le gouvernement a érigé l’égalité entre les femmes et les hommes comme la « grande cause nationale » du quinquennat. Par conséquent, les pouvoirs publics se sont engagés à attacher une attention toute particulière aux violences faites aux femmes, les obligeant à être la hauteur de l’enjeu. En effet, les femmes doutent de la capacité du gouvernement a, si ce n’est à faire pleinement cesser, tout du moins encadrer ces violences infâmes. Elles l’ont exprimé, que ce soit par l’intermédiaire de mouvements sur les réseaux sociaux ou dans les médias. La colère gronde et s’intensifie à chaque fait divers. De plus en plus nombreuses, ces violences ne peuvent plus se mouvoir dans une impunité révoltante. Sans nier les avancées législatives dans le domaine, il demeure que la situation reste encore à ce jour inacceptable. En 2017, la France était, selon Eurostat, l’un des pays européens où le nombre de féminicides était le plus important. En 2021, la France a déploré 113 féminicides. Dès le premier janvier, nous pleurions déjà 3 femmes tuées par leur compagnon ou ex-compagnon. Cette situation est insoutenable. En réponse, le bracelet électronique anti-rapprochement permet de géolocaliser, dès son activation, l’auteur ainsi que la victime. Promesse du Grenelle contre les violences conjugales, de 2019, réclamé depuis longtemps par des associations féministes, ce dispositif interroge sur sa faible utilisation par les magistrats. Le 24 septembre 2020, le garde des Sceaux assurait que le gouvernement déploierait près de 1000 bracelets électroniques anti-rapprochement sur le territoire national. Il est ainsi surprenant de constater que, mi-novembre, seul un peu plus de 500 d’entre eux étaient utilisés. Cela s’inscrit ainsi en parfaite contradiction avec la réalité. Généralisé depuis janvier 2021, ce dispositif peine à s’inscrire comme outil privilégié pour les magistrats lorsqu’ils sont en présence d’un contentieux lié à des violences conjugales. Faute de moyens et de temps, les magistrats préfèrent attribuer un téléphone grave danger, dont la procédure d’attribution, plus simple, permet de rationaliser l’action judiciaire. On estime qu’environ 2000 femmes en sont équipées. Contrairement au bracelet anti-rapprochement, le téléphone grave danger n’implique pas que le magistrat établisse de zone de pré-alerte et d’alerte. Le secteur de la Justice est habitué malgré lui aux insuffisances budgétaires, les magistrats ont ainsi pris l’habitude d’adopter une attitude économe. Aussi, le nombre de 1000 peut apparaitre comme faible, les incitant à ne recourir à ce dispositif qu’à de rares exceptions.
Pouvant être un frein psychologique à son utilisation, Madame Alexandra Borchio Fontimp demande au ministre quelles pistes sont envisagées afin de simplifier les dispositifs de délivrance d’un bracelet anti-rapprochement pour ainsi inciter les magistrats à y avoir recours. Ces bracelets sont indispensables à la protection des femmes victimes du fléau que sont les violences conjugales. Le gouvernement doit ainsi lutter avec la même ardeur contre la crise sanitaire que contre les violences faites aux femmes. Sa main ne doit plus trembler au risque qu’une main plus forte ne frappe une femme de plus. ----- Réponse du Garde des Sceaux La lutte contre les violences conjugales, et en particulier la lutte contre les violences faites aux femmes, est l'une des priorités d'action du Gouvernement. La circulaire du 23 septembre 2020 a présenté le dispositif du bracelet électronique anti-rapprochement (BAR), dont le déploiement est généralisé à l'ensemble du territoire national depuis décembre 2020. Les procureurs de la République ont également été invités, par de récentes instructions et notamment les dépêches des 14 décembre 2020 et 27 mai 2021, à recourir davantage aux ordonnances de protection, au téléphone grave danger et au bracelet électronique anti-rapprochement. La généralisation du bracelet anti-rapprochement a fait l'objet d'un accompagnement renforcé par les services de la Chancellerie. Plusieurs cycles de visio-conférences se sont déroulés en direction des juridictions permettant de recenser les difficultés et d'accompagner l'accélération du recours au bracelet anti-rapprochement. Une documentation afférente au dispositif a fait l'objet d'une diffusion large aux acteurs impliqués. Les juridictions se saisissent de manière croissante de ce nouvel outil. Ainsi, au 1er avril 2022, 995 bracelets anti-rapprochement avaient été prononcés par les juridictions. Afin de faciliter le déploiement de ce dispositif, le ministre de la Justice a également souhaité, par la dépêche du 27 mai 2021, que chaque cour d'appel et tribunal judiciaire, mais aussi chaque service pénitentiaire d'insertion et de probation, désigne un référent chargé de la politique de développement du bracelet anti-rapprochement. L'inspection générale de la justice a par ailleurs élaboré une fiche méthodologique permettant aux juridictions de construire leur parcours de mise en œuvre de ce dispositif. L'engagement très important des associations de victimes dans la mise en œuvre du bracelet anti-rapprochement doit également être souligné. En outre, des travaux menés par des professionnels de terrain et les différentes directions du ministère de la Justice ont été menés, pour développer des outils de communication, à destination des victimes, afin de favoriser leur appropriation du dispositif et répondre aux interrogations concrètes susceptibles de se poser lors de son utilisation. Il convient toutefois de souligner qu'en raison notamment des contraintes opérationnelles tenant à la distance minimale entre les parties, le BAR ne peut convenir à toutes les situations. Aussi, le ministère de la Justice met en œuvre d'autres outils de prévention au service des juridictions et des justiciables. Ainsi, au 1er mars 2022, 3512 téléphones grave danger étaient ainsi déployés sur le territoire national, dont 2566 étaient attribués. Les deux outils sont complémentaires et permettent réellement de s'adapter aux besoins de protection des victimes. Le ministère de la Justice reste donc pleinement mobilisé dans le développement de l'ensemble des outils permettant de garantir le suivi des auteurs et l'accompagnement des victimes de violences conjugales.
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